IDENTIFICATION et NOMENCLATURE
des
MANIPULATEURS U.S. TYPE J-
par
Claude PASSET ©
Cet article a paru en trois livraisons dans A1A, Lettre d’information des collectionneurs de manipulateurs CW, dans les n°1 (décembre 1988 ; p. 4-8), 2 (octobre 1989, p. 2-9) et 3 (juin 1992, p. 3-11). Cette nomenclature a été très souvent reprise dans divers sites, sans citer bien sûr la source.
INTRODUCTION
Les manipulateurs américains de type « J- » sont des manipulateurs destinés exclusivement au marché militaire. Leur classification répond au besoin administratif évident d’une gestion rigoureuse des énormes stocks constitués depuis le premier conflit mondial dans lequel les Etats-Unis se sont engagés en 1917 et durant le second conflit mondial. Quand les Etats-Unis entrent en guerre , en 1941, leur stock de manipulateurs est loin d'être suffisant pour répondre aux besoins sans cesse croissant, des unités sur le terrain : on fait alors appel au marché civil et les services du Signal Corps rachètent les stocks des fabricants de matériel radio ou télégraphique (Les Loqan, Vibroplex, McElroy, J.H.Bunnell, Western Electric, etc.).
Des sociétés civiles, qui participent alors à l'effort américain de fabrication de matériel de guerre, se voient aussi confier la fabrication de manipulateurs ou de pièces détachées pour faire face aux besoins démesurés des transmissions (Marine, Terre et Aviation) : ainsi des sociétés comme Bendix, spécialisée dans le matériel aéronautique, Chevrolet, dans la mécanique et l'automobile, Ies principaux fabricants de postes récepteurs radio tCrosley, Stew-Warner, par ex., mettent sur chaîne des milliers de manipulateurs. Même Lionel Corp fabricant de jouets. Des sociétés nouvelles se créent alors, - elles disparaîtront avec la fin de la guerre et ne survivront pas en tout cas au-delà de 1945, par exemple la compagnie Teleqraph Apparatus. Remington, constructeur de machines à écrire, Singer, manufacture de machines à coudre, se lanceront avec d’autres entreprises de mécanique, dans la fabrication d’armes individuelles : pistolets automatiques Colt 1911 A1 en calibre .45 ACP, carabines US M1 en calibre .30M (US .30 Carbine), par ex..
La guerre terminée sur tous les fronts, le Siqnal Corps se trouva à la tête d'un stock énorme de matériel de transmission ... matériel qui équipera alors les armées des pays alliés qui ont tout perdu dans le conflit ... et que le qrand frère américain inonde de ses surplus : Belgique, Italie, France, par ex ...
La série des BC ou SCR US est bien connue de ceux qui ont fait leur armes dans les Transmissions dans les années 50-60, et en France, Indochine, Algérie .... surplus qui finiront par tomber dans le marché civil.
N'oublions pas non plus que ces alliés, équipés alors de matériel d'origine US copièrent à leur tour celui-ci, ou en modifièrent les types (par exemple J45Fr, J48 par ASCRM, JJ45 japonais, etc.).
La Guerre de Corée, en 1950 - 1953, obligera à reconstituer une partie du stock « dilapidé », convaincu qu'on était alors du départ d'une autre guerre mondiale. Des types nouveaux apparaissent, des modèles anciens sont modifiés.
A noter que le type marqué sur la base (socle) du manipulateur peut ne pas correspondre exactement à la dénomination officielle : par ex. dans notre collection « J-47 » (marqués comme tel sur la base) qui ont été transformés en vrais "J-44" par l'adjonction d'un switch « voice – teleqraph » et des liaisons électriques correspondantes, sans doute lors d'une réutilisation postérieure (Service des Transmissions de l'Armée Française, par ex.) et qu'il faut donc classer comme des « J-44 ».
Il y a aussi des différences quelquefois dans la matière employée : par ex. un levier normalement en acier estampé, ou en bronze phosphoreux, fabriqué en aluminium . Il s'agit alors de fabrications postérieures à la deuxième guerre mondiale pour équiper des armées alliées, l'armée française notamment, et on en trouve beaucoup dans nos surplus. Malgré la sévérité des cahiers des charges auxquels devaient se tenir en principe les fabricants, des variantes étaient « tolérées ». De même les ateliers militaires apportaient quelques modifications artisanales non réglementaires, au matériel dont il devaient assurer la maintenance. De ce fait constituer une collection de manipulateurs série J- est un challenge intéressant.
SOURCES DOCUMENTAIRES
Cette étude réalisée à partir de sources américaines :
- Signal Sunply Catalog, Stock of All Items, Edition 1944. Série 3Z p. 2735-2737 et Subclass 6B (Visual, except Flags and panels), p. 3369.
- Supplement n#1 to Stock List of All Items. Série 3Z, p. 189.
- Signal Supply Catalog, List of Items for Troop issue, p. 78-81.
- Documents personnels divers, articles de revues américaines (QST, CQ, HAM Radio), correspondance avec des collectionneurs aux Etats-Unis, en Angleterre, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, etc.
- Collection personnelle.
- Collections privées qui m'ont apporté quelques éléments intéressants. Ceci démontre, s'il fallait encore le faire, la nécessité des échanges d'informations.
LEXIQUE
Pour la bonne compréhension de termes utilisés dans la nomenclature ci-après un petit lexique s'avère indispensable :
« Radio-téléqraphe » désigne les manipulateurs destinés aux émetteurs sans fil.
« Télégraphe » se rapporte aux manipulateurs de télégraphie par fil (land line).
S.C. abréviation « Signal Corps ».
« Straiqht key », c'est le manipulateur traditionnel « long lever », ou pioche en Français , constitué d'une barre horizontale pivotant sur un axe en 'U'.
« Leg type », littéralement « à jambes », type généralement utilisé au début de la télégraphie, puis dans la marine : le corps du manipulateur était fixé sur la table de l'opérateur par l'intermédiaire de deux grosses tiges filetées qui la traversent et sur lesquelles viennent se fixer sous la table, les fils de connexion de la ligne ou de l'émetteur. Les longues tiges filetées font partie intégrante du manipulateur, et, lorsque celui-ci n'est pas fixé sur une table de manipulation, elles en constituent les « jambes ».
« Leqless type », ou « sans jambes », type usuel : le corps du manipulateur est fixé sur la table de l'opérateur (ou un quelconque socle ou support), par une ou plusieurs vis indépendantes des bornes de connexion à la ligne. Exemple type, un « lever type » ou « straiqht key », par extension. Mais le levier peut se présenter sous d'autres formes qu'une barre horizontale (lame ressort).
Toutes corrections, précisions complémentaires sont les bienvenues pour une mise à jour ultérieure.
Le poids est donné en livre (1 lb = 453,592 g) et les dimensions en pouces (1 pouce = 24,5 mm).-
Toutes corrections, précisions complémentaires sont les bienvenues pour une mise à jour ultérieure.
Le poids est donné en livre (1 lb = 453,592 g) et les dimensions en pouces (1 pouce = 24,5 mm).-
MANUFACTURES CIVILES FOURNISSEURS DU SIGNAL CORPS
- J.H.BUNNELL and Co. Société américaine fondée en 1848 par J.H.Hunnell, et établie à New-York de 1878 à 1960. L'un des principaux fabricants de matériel télégraphique fournisseur du Signal Corps en J-15, J-38, et fabricant de manipulateurs pour télégraphie optique (3Z3602.3.1).
- AMERICAN RADIO HARDWARE C0 Inc, à New-York. Connu comme fabricant de J-38.
- MESCO (MANHATTAN ELECTRICAL SUPPLY Co), manufacture établie à New-York depuis 1880. Fournisseur de J-18 (3Z3418X).
- BROOKLYN METAL STAMPING Co, firme établie à 8rooklyn (N-Y) depuis 1930. Fournisseur de J-36 (3Z3436.1).
- BENDIX, Fournisseur et constructeur de matériel aéronautique et mécanique, a fourni durant la guerre des manipulateurs pour émetteurs d'avion (3Z3609) et d'autres modèles (3Z3602.5, 3Z3616.4, 3ZK3618).
- GUARDIAN ELECTRIC, fabricant de manipulateur 3Z3602.6.
- THE STEWART-WARNER CORP., (STEW WARNER), Chicago, Illinois. L'un des plus grands fabricants américains d'appareils radiophoniques grand public, vers 1931-1932, notamment le modèle R-110-AT en 1933, à 10 tubes, couvrant de 75 à 550 mètres de longueur d'onde, deux haut-parleurs, noise blanker automatique, etc.
- T.R.McELROY, firme établie b Boston (MA) de 1934 à 1955. Fondée par Théodore Roosevelt Mc ELROY en 1934, champion du monde de télégraphie en 1939 (record imbattu de 77 mots/ minute). McELROY a fourni durant la seconde guerre mondiale au Signal Corps plus de manipulateurs que tous les autres fabricants réunis, en respectant les délais impartis, ce qui lui valut le Diplôme d'Excellence de l'Armée et de la Marine, pour la qualité de sa production. A fourni des J-37 et des modèles similaires issus du marché civil de ses ateliers.
- VIBROPLEX Co, Firme établie à New-York (Maine) e 1914 et encore en activité. Produit depuis 1914 les plus célèbres manipulateurs de télégraphie dont la réputation dans le monde s'est solidement établie. le modèle classique (l' « Original ») est fabriqué sans interruption depuis 1904, d'abord sous le nom de Horace G.Martin, son inventeur, puis à partir de 1914 sous le nom de Vibroplex. Le slogan de la maison est unique: « Nous sommes bons non parce que nous sommes vieux, Nous sommes vieux parce que nous sommes bons » ! Durant la Guerre en 1917-1919, Vibroplex travailla déjà pour le S.C. En 1942 Vibroplex a produit des J-36 pour le S.C. et la Navy, modèle copié sur le n° 6 ou LightninqBug, modèle du marché civil. C'est le plus ancien fabricant de manipulateurs encore en activité aujourd'hui malgré quelques difficultés qui faillirent entraîner sa disparition.
- The LIONEL Corporation. Manufacrure étable à New-York, de 1942 (?) à 1945 (?). Produit pour le Signal Corps en 1943 des J-38 et des J-36 (très courants dans nos collections).
- E.F.JOHNSON, Minnesota, circa 19..- circa1970. A produit le « SpeedX » et des J-37.
- ALDEN PROAUCTS Co. A produit des pièces pour J-41-A.
- SIGNAL ENGINEERING Co, a fourni au S.C. des manipulateurs modèle R-64 (3Z3610).
- STROMBERG-CARLS0N. Fabricant de matériel radiophonique dans les années ‘30. A fourni au S.C. des manipulateurs modèle 175-A (3Z3615-3616.3).
- LES LOGAN Co, San Francisco, 1928 - 1955. A fabriqué pour l'usage civil la fameux" « Speed-X » modèle 320, livré en quantité (?) au S.C. pour subvenir aux besoins importants des Transmissions en début du conflit (cf. aussi 3Z3602.2 et 2.2, 373602.8), et une version modifiée du « Speed-X n° 301 » pour le S.C. (3Z3616.6).
- L.S.BRACH Mfq Corp. Newark, New-Jersey, A produit des J-5A « flameproof » pour l'usage du S.C. (Cf.Aussi 3Z3602.1).
- WESTERN ELECTRIC Co, ou WECO, Firme établie à Chicago, Ill. depuis 1872 (à ce jour). L'une des plus grandes firmes américaines, presque une institution. A fourni le modèle "classique", le key ovale type « steel lever » (3Z3602-4).
FEDERAL TELEGRAPH Co. Produit des keys genre « Les Logan Speed-X 321 » modifié ( cf, 3Z3616.6).
- CROSLEY RADIO Corp. Fabricant de matériel radio vers 1920 ... jusqu'après guerre, et notamment de la grande radio « Playmate » (1931), et d'autres modèles très recherchés par les collectionneurs aujourd’hui. Voir J-48-A.
- TELEGRAPH APPARATUS Co, Chicago, Illinois, 1935 - 1945 (?). Fournisseur du S.C. en J-47 (voir Illustration). Cf. aussi 3Z3616.7.
NOMENCLATURE
Texte en cours de vérification et illustrations à venir dans les prochains jours.
A PROPOS Du « NAVY KNOB »
Les tous premiers émetteurs radio télégraphiques, étaient à « étincelles ». Aussi apparaissent pour cet usage des « spark keys », ou « manipulateurs â étincelles », adaptés à l'énorme puissance mise en jeu, - rien de tel dans les land line -, de l'ordre de 35 a 60 Ampères. Les contacts de ces manipulateurs sont plus gros et larges, généralement en argent massif. Des radiateurs sont même mis autour des contacts pour dissiper la chaleur engendrée par la manipulation, voire, dans les fabrications françaises, les contacts sont immergés dans des bains de pétrole (manipulateurs « break oil type » , ou manipulateurs à bain d’huile). L'isolation est aussi plus importante, le levier plus gros, et un bouton « à jupe » (ou « skirted knob ») destinée à protéger les doigts de l'opérateur remplace le traditionnel bouton de bois ou de corne des manipulateurs. du télégraphe par fil. Comme la Marine US utilisait aussi des émetteurs à étincelles dotés de tels spark keys, ce type de bouton fut appelé ensuite, à tort, « Navy knob » (littéralement bouton Marine). Cette configuration apportant un certain confort pour l’opérateur fut ensuite appliquée à de nombreux modèles de manipulateurs.
La saga U.S.
Une grande partie de l'histoire de la télégraphie s'est déroulée aux U.S.A. avec l'adoption très tôt par les Compagnies de Chemin de Fer de lignes télégraphiques : nécessité de communiquer rapidement dans un pays alors en pleine expansion (ruée vers l’ouet). Peu avant 1900, apparaissent pour l'usage des opérateurs télégraphistes des Compagnies des « bugs » pour transmettre à grande vitesse, alors qu'en Europe, l'on an était encore dans les Administrations aux bons vieux manipulateurs type PTT, lourds à manipuler, difficiles é travailler à grande vitesse, sous peine d'avoir rapidement l'ankylose du poignet ou du bras (le « glass arm » des américains). Pays de pionniers, les U.S.A. étaient plus ouverts aux progrès techniques. Les « vibro » apparaissent tard en France et en Europe – ils restèrent interdits par les règlements militaires, se souviennent encore les opérateurs des « Trans » -, au moment où le télégraphe mécanique à clavier remplace dans les Postes le manip manuel ...et juste avant l'entrée sur scène du télétype. Dans les compagnies télégraphiques privées américaines (par fil ou «land line » l’opérateur choisissait lui-même son manipulatateur, son outil de travail, et chacun était à l'affût des nouveautés susceptibles de l'aider dans le travail, et d'accomplir plus vite et sans effort de longues heures de manipulation. Ceci explique l'extrême variété des modèles proposés par les inventeurs et fabricants sur le marché américain, marché très ouvert aux innovations et aidés en cela par les remarques et critiques des opérateurs eux-mêmes. On est loin du conservatisme frileux de la vieille Europe. Par contre les opérateurs des Postes et Télégraphes publics dans la plupart des pays européens, devaient s'en tenir au modèle réglementaire choisi et imposé par l'Administration après cahier des charges rigoureux : le « straight key » ou pioche en France ( modèles 1907, 1913 puis 1923, modifié en 1927), en Italie les modèle dits « « Ministeriale » de 1927, etc., modèles choisis pour durer longtemps (trop ?). Aux U.S.A. par contre, un modèle chasse l'autre... et il y a longtemps que la plupart des opérateurs professionnel sont passé au « vibro » , bien que quelques uns aient continué à préférer le « steel lever key » traditionnel, notre bonne vieille pioche ... Dans les Services Armés, même mentalité, et c'est la pioche qui est adoptée ... et sera en usage jusqu'en 1945 au moins … bien que quelques opérateurs se soient équipés d'eux mêmes en « vibro » malgré les interdits du règlement ... Les premiers « vibro » français n'apparaissent qu’au début des années ’50 (Vibromors vendu par Radio_Lune, à paris), soit plus de 50 ans après l'apparition des premiers « bugs » américains. On comprend mieux que le vocabulaire de la télégraphie soit si américanisé chez les collectionneurs de ce matériel (en fait foi … l’article que vous venez de lire).
BUG et VIBRO ... PLEX
A l'origine de la télégraphie les opérateurs appellent « bugs » (punaises en anglais) dans leur jargon de métier les fautes de manipulation, et un « bug » est aussi un mauvais opérateur. Par dérision les premiers manipulateurs type « vibrating », les ancêtres du système Vibroplex, dès 1880, système Walter Philipps, furent appelés des « bugs » car d'après leurs premiers utilisateurs ces modèles n'étaient bons qu'à faire des …
bugs, leur « backlash » important doublant souvent les points. Par la suite le nom BUG devint synonyme de manipulateur à grande vitesse, en perdant sa connotation péjorative et l'on n'hésita pas à consacrer ce terme en baptisant le fameux modèle Vibroplex n°6, « Liqhtninq bug ». De nos jours le nom de Vibro est donné dans un sens abusif à tous les manipulateurs utilisant tout système « vihrating ». Il serait plus exact de dire manipulateur semi-automatique et laisser plus justement. le nom générique VIBRO … au VIBROPLEX marque déposée